En région, la connexion Internet «digne des dinosaures» complique le télétravail
En période de télétravail généralisé, de nombreux Québécois en région sont excédés de ne pas avoir la connexion à Internet haute vitesse qu'on leur promet depuis des années.
«Ça n’a pas de bon sens de payer 155 $ pour un service avec lequel tu peux pas travailler!» s’offusque François Lavallée, qui travaille à son domicile de Saint-Bruno-de-Guigues, en Abitibi-Témiscamingue.
Dans sa région rurale en bordure d’Ontario, le comptable a dû installer un bureau à son domicile à l’arrivée de la COVID-19.
«Même aller sur Facebook avec mon cellulaire, c’est lent», regrette le trentenaire qui connecte son ordinateur en partage de connexion sur son cellulaire.
Pour Noémie Gautreau-Régnier, qui vit dans Chaudière-Appalaches, avoir «une connexion digne des dinosaures» complique la cohabitation de la famille de Sainte-Lucie-de-Beauregard.
Lorsque son fils, en secondaire 4, a récemment suivi des cours à distance, elle a dû lui lancer : «Peux-tu te mettre en mode avion? J’essaie de prendre mes courriels!»
«Ça a pris six minutes pour me connecter à la conversation sur Zoom pour notre entrevue», raconte-t-elle d’une voix robotique de l’autre côté de l’écran.
4 minutes pour un virement Interac
Propriétaire d’une cabane à sucre, elle dit aussi compter «3 à 4 minutes pour un virement Interac. Ça prend normalement 20 secondes» compare-t-elle.
Noémie et François ont tous deux recours à un fournisseur d’accès à Internet par satellite, Xplornet, qui propose un forfait non-illimité à 155 $ par mois.
Seul hic, François s’est aperçu qu’il n’était pas «dans la zone» LTE, malgré des promesses de vente inverses de la compagnie.
Noémie, quant à elle, a consommé ses 125 Go en sept jours.
Difficile d’attirer en région
Sans Internet, difficile d’attirer des nouveaux arrivants, poussés par la pandémie à déménager en région.
C’est le constat du maire de Sainte-Catherine-de-Hatley, en Estrie, Jacques Demers.
«Quand des nouveaux arrivent, c’est rendu parmi les premières questions, avant de demander la qualité de l’eau et du système des égouts», raconte-t-il.
Dans sa municipalité, à seulement 1h20 de Montréal, un tiers des résidents ont un mauvais signal.
Le monopole de Bell en question
Le maire, qui a même rencontré Justin Trudeau pour évoquer ce sujet, explique ces lacunes par la difficulté à atteindre les poteaux pour entretenir le réseau.
«Actuellement, seul Bell est responsable des infrastructures, explique-t-il. Je pense qu’il y a un niveau de concurrence qui doit toucher à ça».
Jacques Demers propose même de conditionner l’aide aux entreprises de télécommunications à ce qu’ils branchent tous les foyers ruraux.
Contactée par Tabloïd, Bell souligne qu’elle a lancé un projet pour notamment «assurer un accès plus rapide aux poteaux pour tous les fournisseurs de services», en coordination avec Hydro-Québec, Telus et le Ministère de l'Économie et de l'Innovation.
Une promesse politique de longue date
- 2003 : Jean Charest s’engage à connecter toutes les régions à Internet.
- Octobre 2016 : pas encore premier ministre, François Legault interpelle le gouvernement Couillard au sujet de sa promesse électorale d’offrir une connexion haute vitesse à tous les Québécois.
- 2018 : en campagne, la CAQ promet de brancher les 340 000 foyers mal desservis.
- 2020 : 7000 de ces foyers auraient été connectés.
- Mai 2020 : Québec investit 150 millions $ dans 11 régions pour que 60 000 foyers soient branchés d’ici juin 2022.
- Octobre 2020 : le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, avoue qu’il sera difficile de brancher des milliers de foyers avant la fin du mandat.